Accents
« Les accents ne sont-ils pas comme des adieux, les
dernières notations musicales de notre alphabet déchiré?
Cest par eux, par ces touches sonores qui se posent sur
les lignes que nos livres relèvent encore de la musique.
Ne serait-ce que par le truchement de ses accents, une écriture
bouge, papillonne, bourdonne. Ce tintamarre est celui de lesprit.
Lécriture bourdonne et la page est musicale. Et la
ponctuation? Quest-elle dautre, sinon la mise en musique
des pages? Toute la littérature se réduit à
une affaire de ponctuation. Le point et virgule est la pierre
dachoppement de toutes les plumes. »
Art & écriture
« Cest la pensée qui a donné naissance
aux signes et non pas le contraire. Cest aussi, ce qui lui
a valu dêtre habitée par la main de ceux qui
lont enrichie de leur sensibilité; enrichie, non
seulement en gonflant ses courbes de vie, mais aussi en la nourrissant
de lintérieur. Ainsi peut-on affirmer quun
lien existe entre le tempérament artistique dun peuple
et son écriture. Elle en est comme la vibration la plus
intime. »
Besoin de communication
« On écrit, comme dailleurs on lit, par
besoin de communiquer. »
Calligraphie
« La présence vivifiante de la main dans le graphisme
de la lettre reste le seul moyen de la réveiller de son
sommeil séculaire. Seul, le geste de lécriture
permet de rendre aux signes alphabétiques une certaine
chaleur humaine, à linstar de la voix dans laudition.
», Rémy Peignot cité par son frère
Compréhension du monde
« En dépit de ce qui vient dêtre
dit, loin dêtre une analyse phonétique du langage,
une écriture est le symbole de la réalité
quelle entend représenter. Avant dêtre
une prise de possession du verbe, elle est une prise de possession
du monde. Les premières écritures nont pas
eu seulement pour ambition de traduire des sons, mais de brasser
le monde pour le restituer. »
Cursives
« Les cursives sont des fatalités. Elles sont
à la typographie ce que largot est à une langue.
Chancre des alphabets, cest finalement grâce à
elles quelles senrichissent. »
Humanité
« Lhumanité ne serait pas ce quelle
est si les hommes navaient écrit, nécrivaient
pas. Lécriture est la vraie conscience de lhumanité.
»
Humanité (bis)
« A travers lhistoire des lettres cest,
finalement, de celle de lhumanité que lon traite.
»
Invasion de la typographie
« Laccumulation, la superposition des formes graphiques
auxquelles nous assistons aujourdhui sont loin dêtre
sans intérêt. Le Pop en est la preuve qui est comme
une réponse donnée par les artistes à lobsession,
à lagression typographique, même, dont nous
sommes les objets. Lutilisation dans lart de ce qui,
apparemment, était le moins utilisable comme, par Lichtenstein
par exemple, des trames mécaniques, nous apporte la preuve
que linvasion de la typographie peut être, sinon arrêtée,
du moins dominée. »
Lire
« On ny songe jamais assez: lire est un prodige.
Enfin abandonné à cette invite à laquelle
nous nous refusions comme, toujours, aux plus grands des transports;
de nos yeux qui dévorent les lignes, nous sommes comme
un souffle: nous attisons la fournaise des mots. Lire, cest
aussi avancer, basculer dun mot dans lautre, bouler
sur les lignes, faire la roue. Lire vous gonfle dune stupeur
maîtrisée, du vertige de se retrouver au bout de
soi, sauvé. Lire, cest étouffer, demander
grâce, une trêve parce que cest trop beau. »
Lois du plomb
« Une trop grande liberté obscurcit le ciel typographique.
Dès lors que les lois du plomb ne pèsent plus sur
les lettres, celles dentre elles aux hampes et aux hastes
accusées ne vont-elles pas gagner lespace typographique,
lenvahir comme une gangrène? »
Naissance
« Écrire cest naître. »
Nouvelle signification
« Tapé, un poème nest pas loin de
devenir un tableau, un Mondrian qui ne savoue pas. »
Mise en page
« Digne de ce nom, un écrivain nest pas
non plus homme à badiner avec les questions de mise en
page. Le moment le plus secret, le moins conscient de la création
littéraire est donc, non seulement une mise en mots mais,
aussi, une véritable mise en page, laquelle fait déjà
partie intégrante du mouvement créateur et, déjà,
promet le texte à peine né à tout destin
typographique qui se confondra avec son avenir. »
Mise en page (bis)
« Nempêche, bien que cela soit paradoxal,
pour un lecteur, le chemin le plus court qui le sépare
dun auteur est tout de même celui de labstraction.
Ainsi ne restera-t-il plus à un auteur quà
choisir le caractère grâce auquel il sera imprimé.
En optant pour un caractère plus que pour un autre, un
auteur réduit au minimum le risque quil encourt de
ne pas être déchiffré. Sans doute, alors,
un intermédiaire de plus le séparera-t-il de son
lecteur. Sil choisit bien son caractère, la contrepartie
de cet inconvénient est que, dans son allure matérielle,
son propos y gagnera considérablement en lisibilité.
La plus belle des écritures ne vaudra jamais le plus beau
des bas de casse dont, sournois, le travail sur nos esprits est
indéniablement plus efficace. »
Secrets
« Les caractères ne révèlent leurs
secrets et partant, leurs beautés quà ceux
qui les regardent attentivement. »
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