Austerlitz
Le futur général Marbot à Austerlitz Austerlitz


Les étangs de Telnitz
(…) Mais terminons le récit de la bataille. Pendant que les maréchaux Lannes, Soult, Murat, et la garde impériale, battaient le centre et la droite des Austro-Russes et les rejetaient au-delà du village d’Austerlitz, la gauche des ennemis, donnant dans le piège que Napoléon leur avait tendu, en paraissant garder les environs des étangs, se jeta sur le village de Telnitz, s’en empara, et passant le Goldbach, se préparait à occuper la route de Vienne. Mais l’ennemi avait mal auguré du génie de Napoléon en le supposant capable de commettre une faute aussi grande que celle de laisser sans défense une route qui assurait sa retraite en cas de malheur, car notre droite était gardée par les divisions du maréchal Davout, cachées en arrière, dans le bourg de Gross-Raigern. De ce point, le maréchal Davout fondit sur les Austro-Russes, dès qu’il vit leurs masses embarrassées dans les défilés entre les étangs de Telnitz, Menitz et le ruisseau.
L’Empereur que nous avons laissé sur le plateau de Pratzen, débarrassé de la droite et du centre ennemis qui fuyaient derrière Austerlitz, l’Empereur, descendant alors des hauteurs de Pratzen avec les corps de Soult et toute sa garde, infanterie, cavalerie et artillerie, se précipite vers Telnitz, où il prend à dos les colonnes ennemies, que le maréchal Davout attaque de front. Dès ce moment, les nombreuses et lourdes masses austro-russes, entassées sur les chaussées étroites qui règnent le long du ruisseau de Goldbach, se trouvant prises entre deux feux, tombèrent dans une confusion inexprimable ; les rangs se confondirent, et chacun chercha son salut dans la fuite. Les uns se précipitent pêle-mêle dans les marais qui avoisinent les étangs, mais nos fantassins les y suivent ; d’autres espèrent échapper par le chemin qui sépare les deux étangs : notre cavalerie les charge et en fait une affreuse boucherie ; enfin, le plus grand nombre des ennemis, principalement les Russes, cherchent un passage sur la glace des étangs. Elle était fort épaisse, et déjà cinq ou six mille hommes, conservant un peu d’ordre, étaient parvenus au milieu du lac Satschan, lorsque Napoléon, faisant appeler l’artillerie de sa garde, ordonne de tirer à boulets sur la glace. Celle-ci se brisa sur une infinité de points, et un énorme craquement se fit entendre !... L’eau, pénétrant par les crevasses, surmontant bientôt les glaçons, et nous vîmes des milliers de Russes, ainsi que leurs nombreux chevaux, canons et chariots, s’enfoncer lentement dans le gouffre !... Spectacle horriblement majestueux que je n’oublierai jamais !
hommes et chevaux se débattaient au milieu des glaçons et des eaux
...
En un instant la surface de l’étang fut couverte de tout ce qui pouvait et savait nager ; hommes et chevaux se débattaient au milieu des glaçons et des eaux. Quelques-uns, en très petit nombre, parvinrent à se sauver à l’aide de perches et de cordes que nos soldats leur tendaient du rivage ; mais la plus grande partie fut noyée !...
Le nombre des combattants dont l’Empereur disposait à cette bataille était de soixante-huit mille hommes ; celui des Austro-Russes s’élevait à quatre-vingt-douze mille hommes. Notre perte en tués et blessés fut d’environ huit mille hommes ; les ennemis avouèrent que la leur, en tués, blessés ou noyés, allait à quatorze mille. Nous leur avions fait dix-huit mille prisonniers, enlevés cent cinquante canons, ainsi qu’une grande quantité d’étendards et de drapeaux .