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Le lendemain 2 décembre, le canon se
fit entendre au point du jour. Nous avons vu que l’Empereur avait montré
peu de troupes à sa droite ; c’était un piège qu’il
tendait aux ennemis, afin qu’ils eussent la possibilité de prendre
facilement Telnitz, d’y passer le ruisseau de Goldbach et d’aller ensuite
à Gross-Raigern s’emparer de la route de Brünn à
Vienne, afin de nous couper ainsi tout moyen de retraite. Les Austro-Russes
donnèrent en plein dans le panneau, car dégarnissant le
reste de leur ligne, ils entassèrent maladroitement des forces
considérables dans le bas-fond de Telnitz, ainsi que dans les
défilés marécageux qui avoisinent les étangs
de Satschan et de Menitz. Mais comme ils se figuraient, on ne sait trop
pourquoi, que Napoléon pensait à se retirer sans vouloir
accepter la bataille, ils résolurent, pour rendre le succès
plus complet, de nous attaquer, vers le Santon, à notre gauche,
ainsi que sur notre centre, devant Puntowitz, afin que notre défaite
fût complète, lorsque obligés de reculer sur ces
deux points, nous trouverions derrière nous la route de Brünn
à Vienne occupée par les Russes. Mais à notre gauche,
le maréchal Lannes non seulement repoussa toutes les attaques
des ennemis contre les Santon, mais il les rejeta de l’autre côté
de la route d’Olmütz, jusqu’à Blasiowitz, où le terrain,
devant plus uni, permit à la cavalerie de Murat d’exécuter
plusieurs charges brillantes, dont le résultat fut immense, car
les Russes furent menés tambour battant jusqu’au village d’Austerlitz.
Pendant que notre gauche remportait cet éclatant succès,
le centre, formé par les troupes des maréchaux Soult et
Bernadotte, placé par l’empereur au fond du ravin de Goldbach
où il était caché par un épais brouillard,
s’élançait vers le coteau sur lequel est situé
le village de Pratzen. Ce fut à ce moment que parut dans tout
son éclat ce brillant soleil d’Austerlitz, dont le Napoléon
se plaisant tant à rappeler le souvenir. Le maréchal Soult
enlève non seulement le village de Pratzen, mais encore l’immense
plateau de ce nom qui était le point culminant de toute la contrée,
et par conséquent la clef du champ de bataille. Là, s’engagea,
sous les yeux de l’Empereur, un combat des plus vifs, dans lesquels
les Russes furent battus. Mais un bataillon du 4e de ligne, dont le
prince Joseph, frère de Napoléon, était colonel,
se laissant emporter trop loin à la poursuite des ennemis, fut
chargés et enfoncés par les chevaliers-gardes et les cuirassiers
du grand-duc Constantin, frère d’Alexandre, qui lui enlevèrent
son aigle !... De nombreuses lignes de cavalerie russe s’avancèrent
rapidement pour appuyer le succès momentané des chevaliers-gardes
; mais Napoléon, ayant lancé contre eux les mameluks,
les chasseurs à cheval et les grenadiers à cheval de sa
garde, conduits par le maréchal Bessières et par le général
Rapp, il y eut une mêlée des plus sanglantes. Les escadrons
russes furent enfoncés et rejetés au-delà du village
d’Austerlitz, avec une perte immense. Nos cavaliers enlevèrent
beaucoup d’étendards et de prisonniers, parmi lesquels se trouvait
le prince Repnin, commandant des chevaliers-gardes. Ce régiment,
composé de la plus brillante jeunesse de la noblesse russe, perdit
beaucoup de monde, parce que les fanfaronnades que les chevaliers-gardes
avaient faites contres les Français étaient connues de
nos soldats, ceux-ci, surtout les grenadiers à cheval, s’acharnèrent
contre eux et criaient en leur passant leurs énormes sabres en
travers du corps : faisons pleurer les dames de Saint-Petersbourg
! .
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