Austerlitz
Austerlitz vu par les historiens Austerlitz


J.Michelet
« Les historiens militaires, et, d’après eux, MM. Thiers et Lanfrey, ont marqué lumineusement, autant que le permettait un si immense tableau, la position des deux armées, et celle même des corps différents qui combattirent à Austerlitz. Nous ne reproduirons pas après eux ce détail, si difficile à comprendre pour qui n’a pas la carte sous les yeux.
Nous remarquerons seulement ce que déjà nous avons observé pour d’autres affaires non moins importantes, c’est que plusieurs des dispositions du grand capitaine, dispositions justifiées par un succès si magnifique, étaient scabreuses en elles-mêmes. Il fallait qu’il eût dans ses mains comme il l’a dit lui-même un instrument infaillible ; je veux dire une armée telle qu’avec elle on pouvait tout risquer.
Par exemple, l’abandon des hauteurs de Pratzen, laissées à l’ennemi, la concentration de l’armée française sur un terrain bas et étroit, et comme dans une espèce d’entonnoir, observant un grand silence, et regardant comme une proie le cercle d’ennemis qui l’environnait, n’était habile qu’avec une armée exceptionnelle qui ne s’étonnait de rien. Avec d’autres soldats, rien n’eût été plus chanceux.
A une heure de l’après-midi, Bonaparte était maître de Pratzen, le centre des alliés était anéanti ; leurs deux ailes combattaient encore, mais sans communication, sans moyen de se rejoindre. La garde russe s’avança pour reprendre le plateau de Pratzen, et mit un instant en désordre un de nos bataillons. La garde française s’élance alors, et Rapp fait prisonnier Repnine à la tête des chevaliers gardes.
Une action plus décisive se passait aux étangs, si nombreux dans cette plaine humide. L’artillerie, en passant sur un des ponts qui les traversent, s’enfonça, et les troupes qui l’accompagnaient furent rejetées sur un autre étang alors gelé. Napoléon, qui vit ce désastre, fit tirer dessus les canons qu’il avait sur les hauteurs. Toute la glace s’effondra. Des milliers d’hommes disparurent, mais plusieurs ne purent se noyer dans ces eaux peu profondes ; ils luttèrent, et le lendemain, on entendait encore les cris, les gémissements de ceux qui ne pouvaient mourir.
On dit que les alliés couvrirent de vingt-sept mille morts cette vaste plaine d’Austerlitz ; huit mille Français avaient aussi péri.
(…) Voyant le succès établi dans toute la plaine, Bonaparte avisa qu’il était tard, l’heure de dîner. Selon ses habitudes sobres, on lui donna sur une petite table son poulet et du chambertin.
Le jeune Petiet versait à boire. On amena des prisonniers, et l’enfant, derrière l’empereur, put observer à l’aise l’accueil qu’il leur faisait.
Repnine, l’un des premiers, était sans doute le fils de ce cruel ambassadeur qui fut l’horreur de Varsovie, et dont Rulhières nous a laissé un si terrible portrait. Napoléon, sans souci des Polonais toujours nombreux dans nos armées, lui fit un accueil aimable et ne le retint pas.
Puis s’avança une figure dont Pétiet fut bien frappé, un émigré devenu général russe, qui croyait toucher à sa dernière heure. L’enfant tremblait pour lui. Il fut bien surpris de voir l’empereur verser un coup dans son propre verre d’argent et dire : "Buvez, monsieur le comte. Cela remet toujours le cœur !"
Il y parut. Le prisonnier, jusque-là fort pâle, reprit couleur à l’instant (Le célèbre tableau de Gérard tant de fois reproduit par la gravure nous a conservé cette scène).
Austerlitz fort admiré...
(…) Austerlitz fort admiré renouvela pour l’Europe l’effet tout fantastique de Marengo. Cependant les Mémoire de Ney, qui partout révèlent la main habile de Jomini, montrent combien le plan de cette campagne était peu arrêté et changea sur la route.
La rapidité, tant vantée, de la marche de Bonaparte faillit lui être fatale, puisque par les maladies et la dissémination de ses forces, il fut un moment réduit à cinquante mille hommes. "Nous ne fûmes sauvés, dit Ney, que par l’ignorance de l’ennemi".»


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Mourre
Une définition de dictionnaire
 

* Bielot & Buzzelli
La bataille en bandes dessinées
 
* Michelet
Le point de vue d’un Républicain
 
* Autres historiens
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* Sulitzer
Ce n’est pas un historien. Pourtant...